Que sont le contenu en chaleur des océans et le déséquilibre énergétique de la Terre ?
Un système climatique et terrestre déséquilibré
Le système climatique de la planète Terre tient sur un équilibre parfait entre le contenu en chaleur reçu par le soleil et le contenu en chaleur réémis par la Terre. Or, depuis l’ère industrielle, les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère sont en constante augmentation piégeant ainsi une partie de l’énergie émise par la Terre. C’est ce qu’on appelle le déséquilibre énergétique de la Terre, ou EEI pour Earth Energy Imbalance. Cet EEI se matérialise par une accumulation d’énergie sous forme de chaleur (piégée depuis les années 70 d’après une étude de ESSD), ce qui en fait la principale cause du changement climatique.
Cet excès de chaleur dans le système climatique s’accumule principalement dans l’océan (≈ 91% contre ≈ 4% pour la terre et ≈ 5% pour la glace) et perturbe drastiquement le cycle mondial de l’eau et de l’énergie, conduisant ainsi au dérèglement climatique et à de nombreux phénomènes menaçant la biodiversité et la vie sur Terre. En effet, l’océan joue un rôle fondamental dans la régulation du climat car il est un important puits de CO2 et permet de stocker une grande partie de la chaleur en excès.
La chaleur de nos océans comme mesure essentielle
Ainsi, la chaleur accumulée dans l’océan, ou OHC pour Ocean Heat Content, est une variable essentielle à suivre qui se mesure grâce aux données in-situ mais aussi par la combinaison de données spatiales d’observation de la Terre. Elle est la variable indispensable pour calculer l’EEI. L’OHC et l’EEI sont donc des indicateurs prépondérants pour analyser le dérèglement climatique et il est fondamental de les mesurer avec précision.
Dirigé par Magellium Artal Group en collaboration avec LEGOS et financé par l’ESA, le CNES et le CNRS, les projets MOHeaCAN et 4DAtlantic-OHC ont pour objectifs principaux de fournir des mesures précises de l’OHC et de l’EEI, afin d’améliorer la compréhension du système climatique de la Terre et de développer des outils pour mieux prédire et gérer les impacts du changement climatique. Les données fournies aident également à éclairer les politiques publiques en matière d’enjeux environnementaux et sociaux.
Projet MOHeaCAN ou la surveillance globale des océans et du changement climatique par les données spatiales
Le projet MOHeaCAN et ses objectifs
Le projet MOHeaCAN (Monitoring Ocean HEAt Content and earth energy imbalANce) est soutenu par l’ESA et le CNES et dirigé par Magellium Artal Group en collaboration avec des experts scientifiques du laboratoire LEGOS.
MOHeaCAN a exploré avec succès la faisabilité de surveiller le contenu global en chaleur des océans à partir d’un produit basé sur des observations spatiales géodésiques (altimétrie et gravimétrie).
Le projet MOHeaCAN répond à de multiples objectifs :
- Il vise à établir une estimation mondiale en développant un système pour le suivi continu de l’OHC et de l’EEI ;
- Il a vocation à utiliser les données collectées pour affiner les modèles climatiques existants, en offrant une meilleure compréhension des processus thermodynamiques des océans et de leur impact sur le climat global.
La contribution de Magellium Artal Group au projet
Grâce à une solide compétence en traitements des données spatiales et en développements de chaînes de traitement, Magellium Artal Group intervient dans le traitement des données géodésiques.
Le produit MOHeaCAN contient des séries temporelles mensuelles de plusieurs variables, dont les principales sont l’OHC global et l’indicateur EEI. Les incertitudes sont fournies pour les variables à l’échelle globale, en propageant les erreurs des mesures du niveau de la mer (altimétrie) et du contenu de masse de l’océan (gravimétrie).
Les séries temporelles des changements de l’OHC peuvent être déduites par différentes méthodes. Une approche indirecte est l’approche géodésique spatiale qui repose sur l’équation du bilan du niveau de la mer. Le projet MOHeaCAN a servi de preuve de concept en décrivant l’application de l’approche géodésique spatiale à l’échelle mondiale. L’approche géodésique spatiale vise à mesurer la variation thermostérique du niveau de la mer due au changement de densité de l’eau de mer induit par la température, en se basant sur les différences entre la variation totale du niveau de la mer dérivée des mesures altimétriques par satellite et la variation barystatique du niveau de la mer dérivée des mesures gravimétriques par satellite. Les variations halostériques du niveau de la mer dues à la contraction saline sont estimées à partir de données in situ et retirées des variations totales du niveau de la mer.
La dernière version du produit OHC/EEI global (v5.0) basé sur une approche géodésique spatiale est disponible sur le portail ODATIS/AVISO et accessible à tous.
Ce projet pose les bases pour des projets plus régionaux comme 4DAtlantic-OHC qui se focalise essentiellement sur la mesure de l’OHC de l’Océan Atlantique.
4DAtlantic-OHC, l’approche géodésique spatiale pour l’océan Atlantique
Le projet 4DAtlantic-OHC et ses objectifs
Le projet 4DAtlantic-OHC de l’ESA se concentre spécifiquement sur l’estimation de l’OHC de l’océan Atlantique. Il s’agit d’une extension régionale du projet MOHeaCAN, visant à développer et tester les techniques géodésiques spatiales (altimétrie et gravimétrie satellitaire) de surveillance globale à l’échelle régionale, à la fois pour la génération de données et l’estimation de l’incertitude. Ce projet adresse des défis spécifiques régionaux associés aux variations plus complexes qui pouvaient être négligés à l’échelle mondiale.
Plus spécifiquement, les variations halostériques dues aux variations de sel du niveau de la mer, qui ne sont pas négligeables à l’échelle régionale, sont estimées à partir de données in situ et retirées des variations stériques du niveau de la mer provenant de l’altimétrie moins la gravimétrie.
4DAtlantic permet de réaliser un suivi réaliste de l’absorption de chaleur de l’océan Atlantique et de comprendre le rôle joué par l’océan Atlantique dans le système terrestre et climatique.
Les travaux de Magellium Artal Group dans le calcul du contenu en chaleur
La contribution des équipes de Magellium Artal Group dans 4DAtlantic est similaire aux contributions à MOHeaCAN car nos équipes travaillent en parallèle sur ces deux projets.
Pour l’heure, les incertitudes sur les tendances OHC sont essentiellement dues aux incertitudes sur la gravimétrie (données GRACE(-FO)).
Impliquant des experts en géophysique, océanographie et climatologie, 4DAtlantic-OHC est un exemple de collaboration interdisciplinaire visant à fusionner divers domaines de compétence pour une compréhension plus complète des dynamiques océaniques.
Notre engagement à contribuer à la surveillance du changement climatique
Dans le contexte actuel de dérèglement climatique, la nécessité de comprendre le déséquilibre énergétique de la Terre et ses implications à moyen et long terme sont devenues une urgence absolue. Le dérèglement climatique, résultant de cet excès d’énergie, provoque de lourdes conséquences sur la biodiversité et la population. Entre autres, le réchauffement des océans provoque une élévation du niveau des océans et une modification du cycle hydrologique pouvant engendrer des évènements extrêmes comme la sécheresse et les inondations qui touchent toutes les populations. Ces évènements touchent notamment la France avec une augmentation des risques de inondations de 56% et une multiplication des sécheresses en été d’ici 2050.
Les projets MOHeaCAN et 4DAtlantic-OHC apportent leur lot de réponses face à ses problématiques. En fournissant des analyses de ces données, ces projets jouent un rôle déterminant en aidant les politiques publiques à quantifier les impacts et adapter les stratégies pour anticiper, atténuer les effets du changement climatique et adapter notre société au nouvelles réalités climatiques.
Les schémas ci-dessous représentent l’évolution de la température de l’air à la surface de la Terre (schéma du haut) et du déséquilibre énergétique de la Terre (schéma du bas) au cours du siècle en fonction de deux scénarii décrits dans le dernier rapport du GIEC (AR6) :
- les courbes rouges correspondent au scénario dit “business as usual“
- les courbes bleues correspondent au scénario des accords de Paris, à savoir maintenir l’augmentation mondiale de la température en-dessous de 2°C.
Sur ces figures, les trajectoires entre les deux scénarii diffèrent significativement environ 15 ans plus tôt pour le déséquilibre énergétique de la Terre que pour la température. Mesurer le déséquilibre énergétique de la Terre permettra donc d’observer plus rapidement l’impact des politiques publiques de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre sur le changement climatique.
A l’échelle européenne et continentale, d’autres projets viennent répondre à l’urgence climatique par l’hydrologie spatiale. Dans ce cadre, HydroVenture est une initiative, mise en place par Magellium Artal Group et 14 partenaires, visant à créer le premier centre européen d’hydrologie spatiale opérationnel pour l’étude et l’analyse des eaux continentales. De même, le projet SEED-FD, dont Magellium Artal Group est leader du consortium, vise à améliorer les modèles hydrologiques de Copernicus Emergency Management Service (CEMS) afin de mieux prédire les inondations et les sécheresses à l’échelle mondiale.
